[ACTU] Néonicotinoïdes : une loi fondamentale mais insuffisante

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Hier samedi 1er Septembre 2018 entrait en vigueur la loi sur l’interdiction des produits phytosanitaires néonicotinoïdes pour tous les producteurs français. De quoi on parle, pourquoi cette loi, quels enjeux et quelles conséquences, on vous résume tout dans cet article !

Que sont les produits néonicotinoïdes ?

Les néonicotinoïdes sont une famille de produits phytosanitaires utilisés en agriculture conventionnelle depuis 1994 principalement sur des cultures de maïs, de blé, de betterave, de colza et en arboriculture (fruits). Les néonicotinoïdes sont les molécules phytosanitaires les plus vendues au monde : produites par les géants des pesticides comme Bayer, Syngenta ou Dow, on en retrouve dans environ 4,4 millions d’hectares de culture en France. Ces produits sont utilisés pour lutter contre les insectes ravageurs en attaquant leur système nerveux.

abeille

Pourquoi on en parle ?

Le problème avec ces molécules, c’est qu’elles représentent une grande menace pour l’environnement et la biodiversité, et en particulier pour les pollinisateurs. Après l’épandage, les néonicotinoïdes détruisent la vie des sols, polluent les eaux et tuent massivement les insectes, oiseaux et autres batraciens qui vivent à proximité. Chez l’homme, ces molécules sont à l’origine de maladies autistiques, de malformations cardiaques et de cancers.

Lorsque l’on parle des néonicotinoïdes, on parle aussi souvent de la mortalité des abeilles, car en effet, ces produits sont en partie responsables de la chute des populations d’abeilles sauvages et d’abeilles de ruche. Suite au cri d’alarme des apiculteurs et des biologistes sur le sujet, le gouvernement a adopté en 2016 une loi interdisant en partie les molécules néonicotinoïdes dans l’espoir d’enrayer l’effondrement des colonies d’abeilles et autres insectes. Le décret d’application de cette loi a été publiée le 30 juillet 2018 et l’interdiction est entrée en vigueur hier samedi 1er Septembre 2018.

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Une avancée importante mais insuffisante

Le pas en avant est indéniable mais plusieurs aspects de la loi et de la politique gouvernementale en général ne nous permettent pas de crier totalement victoire notamment sur le dossier de la mortalité des pollinisateurs et l’effondrement de la biodiversité.

  • Toutes les molécules néonicotinoïdes ne sont pas interdites en France. En effet, dans la famille des néonicotinoïdes, seules 5 molécules sur 7 sont interdites par cette loi. Il s’agit donc d’une interdiction importante mais partielle.
  • La loi autorise des dérogations à cette interdiction. Sur ce point, le mystère reste encore entier car le Ministère de l’Agriculture n’a pas encore spécifié à qui ces dérogations pourraient être accordées. Il faut donc rester vigilants et s’assurer que ces dérogations ne dénaturent pas l’interdiction. Selon Reporterre, les dérogations sollicitées par les producteurs de betterave et de maïs ont été rejetées.
  • L’incertitude concernant les néonicotinoïdes nouvelle génération. Pour l’instant, la loi ne prévoit pas l’interdiction des néonicotinoïdes nouvelle génération homologuées par les services sanitaires européens et introduites sur le marché par Bayer, Dow, Syngenta et BASF. Ces produits sont tout aussi dangereux que les versions précédentes mais leur avenir sur le marché est incertain. En effet, la justice française a suspendu la commercialisation de ces molécules sur le territoire mais l’interdiction n’est pas encore entrée dans la loi. L’espoir réside dans la prochaine loi Agriculture et Alimentation qui prévoit pour l’instant l’interdiction de tous les produits ayant des effets similaires aux néonicotinoïdes. Affaire à suivre, donc.
  • Les néonicotinoïdes ne sont pas les seuls responsables de l’effondrement des colonies d’abeilles de la biodiversité en général, et c’est le point le plus important à retenir dans cette histoire. Bien que cette interdiction doive être reconnue comme une avancée pour la transition agricole et la protection de la biodiversité, il ne faut pas pour autant penser qu’elle va changer rapidement et radicalement l’impact de l’agriculture conventionnelle. La première raison est que les néonicotinoïdes sont des molécules très persistantes, elles restent actives dans les eaux et les sols entre 3 à 5 ans après l’épandage. C’est-à-dire que les sols contaminés seront pendant encore 3 à 5 ans une menace pour la biodiversité.Par ailleurs, les néonicotinoïdes ne sont pas les seules molécules dangereuses autorisées en agriculture conventionnelle et il reste encore beaucoup à faire dans le dossier des produits phytosanitaires pour la protection de l’environnement et de la biodiversité.

    Enfin il ne faut pas oublier que la disparition des abeilles et l’effondrement de la biodiversité en général ne sont pas dus exclusivement à l’utilisation de produits phytosanitaires en agriculture conventionnelle et il est nécessaire de garder une approche écosystémique du système agricole pour répondre efficacement à ces enjeux. Les pollinisateurs souffrent aujourd’hui de la disparition des haies et du paysage bocager, du travail trop important des sols et notamment du labour profond, de virus, du manque de diversité de cultures, d’invasion d’espèces comme le frelon asiatique ou bien de la disparition des prairies et des friches. Agir sur ces causes de mortalité demanderait une remise en question totale du système agricole français notamment car ces causes font partie de l’ADN de l’agriculture industrielle : supprimer les haies pour faire passer des machines toujours plus grosses, cultiver des parcelles toujours plus grandes d’une unique variété de plante ou encore travailler intensivement le sol pour tuer les mauvaises herbes. Beaucoup reste encore à faire sur ces enjeux et ce de manière urgente mais il semble que le Ministère de l’Agriculture ne se soit pas décidé à révolutionner en profondeur les pratiques agricoles au bénéfice de l’environnement et de la biodiversité. Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre.

 

Sources :

Reporterre « Fin des néonicotinoïdes ? Pas tout à fait ! » [1er septembre 2018] https://reporterre.net/Fin-des-neocotinoides-Pas-tout-a-fait

Libération « Néonicotinoïdes : une loi exceptionnelle et des exceptions » [31 août 2018] http://www.liberation.fr/france/2018/08/31/neonicotinoides-une-loi-exceptionnelle-et-des-exceptions_1675887

 

Auteur : Oriane Louveau

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